L’homme n’est pas le seul animal qui perçoit la douleur mais il est le seul à pourvoir en parler ; il existe bien des façons de souffrir.
Tout existe depuis la douleur suraiguë jusqu’à la petite gêne parfaitement supportable, mais qui dure et inquiète par sa signification.
Il y a aussi, la douleur dite morale, parfois justifiée mais souvent sans raison apparente chez celui qui est « mal dans sa peau ».
Le premier désir du médecin est de soulager vite et complètement.
Mais par sa formation, il sait que le véritable obstacle, c’est la découverte de la cause de la douleur, condition indispensable d’un traitement correct.
C’est pour cette raison qu’il interroge longtemps avant d’examiner.
Le problème du langage
Lorsqu’un médecin interroge et examine un malade, il a en tête une liste plus ou moins ordonnée de maladies qu’il essaie, même s’il s’en défend, de faire coïncider avec les symptômes.
Dans un premier temps, il traduit le langage populaire en langage médical.
Dans un deuxième temps, il construit le diagnostic proprement dit.
Si la deuxième étape nécessite des connaissances médicales sans cesse remises à jour, la première exige dune bonne communication avec le malade.
Pour y parvenir, le meilleur moyen est de s’identifier à son patient, d’essayer de percevoir sa douleur comme la sienne propre.
Interroger celui qui souffre, c’est parler le même langage que lui.
Or, ce langage varie considérablement d’un malade à l’autre.
On conçoit la longue durée de l’apprentissage qui doit permettre de parler et de comprendre autant de langages différents.
La pauvreté des expressions qui désignent la douleur n’arrange pas les choses « J’ai mal » – « C’est une douleur qui ressemble… à une douleur ».
Il est souvent difficile d’obtenir davantage.
Pour tenter de mieux comprendre, le médecin s’intéresse alors aux facteurs qui augmentent ou diminuent la douleur, aux doses de sédatifs qui la calment, aux comparaison qu’elle suscite.
Parfois, un mot imagé donne le ton, et éclaire une situation confuse.
De cette relation entre le malade et son médecin, fondée avant tout sur un langage bien compris, naît la confiance.
L’analyse d’une douleur reste bien une difficulté majeure.
Elle est l’une des raisons de l’incompréhension qui s’installe trop souvent entre médecins et malades à une époque où un public cultivé croit qu’on peut disserter de médecine sans l’avoir jamais exercée.
La vertu des paroles
Le rôle du médecin n’est pas seulement d’observer et de traduire.
Il convient qu’il parle à son tour et qu’il agisse.
C’est le temps de la synthèse, c’est-à-dire du diagnostic, du pronostic et du traitement.
A dire vrai, il n’est pas toujours nécessaire de parler, d’expliquer, de commenter à propos d’une douleur.
Cette vérité que, paraît-il, le médecin doit à son malade, ce dernier la lui demande bien rarement s’il sent qu’on va le prendre en charge.
Pourtant, il me semble préférable, chaque fois que possible, d’expliquer à celui qui le désire (et qui souvent n’ose pas le dire) de quoi il souffre et quel est son avenir.
Nombreux sont ceux qui attachent autant d’importance à ce qu’on leur dit qu’à une longue ordonnance.
Face à la douleur
La douleur envahit tout et dégrade.
Le médecin doit toujours la combattre car elle est le plus souvent inutile.
Les « fonctionnels », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de maladie organique, ne semblent pas bien répondre aux calmants qu’ils tolèrent d’ailleurs souvent mal.
On peut se demander s’ils souffres vraiment comme les autres et s’ils n’appellent pas « douleurs » des sensations en fait différentes.
Existe-t-il un traitement de la douleur morale ?
L’activité et les occupations la rendent en général plus supportable.
Avec les recul du temps, elle s’atténue et peut même s’éteindre.
Les médicaments ne peuvent agir que sur les symptômes qui l’accompagnent te le dégoût de vivre par exemple.
Ils permettent d’attendre.